J'ai eu la chance de le connaître , de le cotoyer souvent , c'est lui qui m'a donné envie de persévérer dans cet art
A MONTAGNE habite ( j’ai envie de parler de lui au présent , car pour moi , par et dans les arbres qu’il a créés , dont certains , trop peu d’ailleurs , sont en ma possession , il est toujours là ) un petit village de la Drôme , ST SORLIN EN VALLOIRE.
Son père était arboriculteur et céramiste et tout petit déjà , André s’intéressait aux petites pièces crées par son père.
Un jour , il tombe par hasard sur « un balai de sorcière » dans un pommier , mutation génétique limitée à une branche ou à certaines zones d’un arbre dont les pousses anarchiques et multiples lui donne cette forme caractéristique.
Cette vision d’un arbre miniature fut , d’après lui , ce qui éveilla cette passion pour les arbres miniatures.
Parallèlement à cette passion dont il fit ensuite son gagne pain ( ou presque !!! ) , André obtient un diplôme d’ingénieur en agronomie.
Lors de nos interminables discussions ( andré parlait peu , mais lorsqu’il se mettait à le faire , il était difficile à arrêter , ceux qui l’on connu vous le confirmerons ) , il se plaisait par exemple à me rappeler ses déboires lors des assemblés avec des forestiers des landes qui n’avaient qu’une seule obsession : faire des troncs bien droits et tous identiques en diamètres alors que lui s’évertuait à créer des arbres tordus !!!!!
Sa remarque concernant l’arrosage de mon arbre cible bien le personnage : laisser le propriétaire trouver la solution au problème en prêchant le faux pour le vrai.
Si l’esthétique n’était pas vraiment son point fort , c’était un intarissable orateur sur les différents moyens pour obtenir des troncs biscornus dés les semis , sur les calendriers d’activité des branches et des racines sur les hêtres ou sur les chênes par exemple .
« Le chêne , c’est le roi de la forêt , disait il , s’il décide de faire des racines en hiver et que tu le prélève à ce moment là , il est mort «
« Le hêtre , c’est un arbre dont les branches explorent leur environnement « .
Sa théorie sur les arbres timides vaut à elle seule le détour :
Il avait planté dans un même bac pour la prouver un ensemble de picéa glauca conica et me montrait à chaque fois que je visitais sa pépinière , les branches toutes proches de ces arbres qui « ne se toucheraient jamais « .
Je le soupçonne d’avoir régulièrement tailler les pointes pour parvenir à ses fins sans pouvoir le prouver bien sûr.
Lorsqu’une personne lui demandait pourquoi il faisait « souffrir « les arbres , sa réponse était toujours la, même :
Attention , vous écrasez un pissenlit !!!!
et d’expliquer à son interlocuteur qu’on ne fait pas que des choses bien dans la vie , que l’on commence juste à comprendre et à mesurer la souffrance pour les humains , alors pour les arbres !!!!!
Enfin , une dernière maxime que j’ai gardé en mémoire plus que d’autres :
« A la limite , il se passe toujours quelque chose » :
Réfléchissez à cette phrase , le bas de la falaise rongée par la mer : limite entre le minéral et la mer , le bas du tronc d’un bonsai , limite entre le minéral et le végétal , le bas du rocher ou s’accumule l’humus et ou poussent les yamadori etc , elle est pleine de bon sens et d’enseignement .
Ce n’est qu’un bien court résumé des trop courts moments que nous avons passés ensemble , je possède 2 arbres qui proviennent de chez lui : un orme aux feuilles minuscules , maintenant planté sur roche , et un érable du japon acheté une misère ( 600 f de l’époque ) pour la naissance de mon fils il y a 22 ans maintenant.
NB : André vendait peu d’arbres , il fallait que l’acquéreur lui prouve sa véritable passion pour cet art et que le pépiniériste en ait envie .
Si ces 2 conditions étaient réunies , il vendait parfois des arbres magnifiques pour une bouchée de pain.
Cet homme remarquable , ce précurseur en la matière ( c’est ainsi que le décrivait l’auteur d’un numéro spécial de la revue « l’ami des jardins « pour sa création de bonsaï français de souche ) est partit bien trop tôt , comme son épouse d’ailleurs , et , bien qu’il m’en parla souvent , il n’a jamais eu le temps de mettre sur le papier tout son savoir .
Une grosse perte , tant qu’humaine que de savoir pour cet art.
Sa bibliothèque , remplie d’ouvrages anciens et rares , est remarquable.
Sa fille qui a essayé courageusement de reprendre le flambeau a du malheureusement se résoudre à céder la majorité de la pépinière à un professionnel parisien par manque de temps et d’expérience ( elle s’intéressait plus à la céramique qu’au bonsaï lorsque son père était vivant ) et à cause de la maladie du siècle qui la ronge.
Il est désolant de voir le résultat de toute une vie de travail réduite à néant .
Mais , même si leur créateur n’est plus là , ses arbres sont vivants et porterons toujours en eux sa marque et un peu de son âme .
Adieu André , ou plutôt , au revoir et merci à toi et à ta famille pour votre patience et votre générosité à mon égard.