En arriver à griller les chandelles d'un pin blanc en "cherchant les limites de l'arrosage", c'est plus de l'expérimentation. C'est plus non plus une erreur de culture. C'est jouer avec la survie d'un arbre, car il y a quand même quelques signes qui devraient t'alerter avant d'en arriver là.
Et c'est certainement pas parce que, uniquement dans le but de survivre à ce stress énorme il a fait ces bourgeons chétifs, l'arbre va s'en remettre. C'est loi d'être gagné et il peut lâcher à tout moment, car au moment où il devrait commencer à accumuler des réserves pour l'année prochaine, il va au contraire devoir de nouveau puiser dans le peu qu'il lui reste pour générer en catastrophe de quoi en reconstituer pendant le court laps de temps qu'il va lui rester avant que la lumière et les températures baissent.
Il m'est arrivé la même chose accidentellement (voisin distrait chargé de l'arrosage et tempête de vent chaud en mai), les chandelles ont grillé mais on était fin mai et l'arbre a eu la fin du printemps et l'été pour refaire le plein d'énergie. Et pourtant il a quand même mis du temps à s'en remettre. En plein été, c'est encore une autre histoire.
J'ai l'impression que les appellations pin "faible" ou pin "fort" sont complètement inadaptées, ou pour le dire autrement, très mal comprises.
Ryan Neil utilise une terminologie beaucoup plus pertinente à mon avis. Pour les pins, il donne trois catégories: Multi flush, long needle single flush, et short needle single flush. Ceci permet de sortir du binaire "fort" ou "faible" et des contresens qui en découlent.
Le pin blanc fait partie des long needle SINGLE flush. En clair ça veut dire qu'ils ne font qu'une pousse par an.
Pour vraiment résumer en gros: la force vient des racines (ça c'est vrai pour tous les pins), pas de taille de structure en été, le pincement ne sert pas à faire bourgeonner en arrière, on essaye de garder un maximum d'aiguilles jusqu'en milieu-fin d'été, on ne pratique pas de pincement complet sur ces arbres car ils n'ont pas la capacité de produire un nouveau bourgeonnement (second "flush") sans prendre de gros risques pour leur survie. On peut le faire si l'arbre est fort sous certaines conditions au printemps mais l'arbre va lutter pendant les années qui vont suivre. Et une bonne partie des bourgeons vont avorter. C'est une très mauvaise méthode de culture. C'est exactement ce que j'avais constaté après ma mésaventure.
Les "long needle single flush" mettent du temps à répondre positivement et négativement au niveau taille et culture. C'est une des grandes difficultés des pins blancs.Dans une vidéo sur ces arbres, Ryan Neil dit en conclusion: "Let it grow!". Laissez les pousser....
Faible ou fort, bien ou mal cultivé, il ne va JAMAIS se comporter comme un pin noir, ou même un sylvestre. Ceci s'explique par leur environnement naturel qui les oblige à une courte saison de végétation et à une croissance lente à cause d'un milieu difficile. Et ce n'est pas parce qu'on les cultive dans un milieu plus "favorable" que des milliers d'années d'évolution vont s'évaporer comme par miracle et qu'ils vont imiter un pin noir.
Concernant l'arrosage des pins blancs, en particulier en été, je n'ai jamais vraiment compris l'intérêt de les assécher. Dans quel but? Sachant que la saison des pluies au Japon s'étend de juin à juillet, si les faire sécher à cette époque était nécessaire à leur bonne santé, alors au Japon ils seraient tous moribonds ou auraient des aiguilles immenses. Parce que la pluie au Japon, c'est encore autre chose que la pluie en Bretagne. C'est pas du crachin et ça dure, ça dure....
Enfin concernant le climat, les conseils concernant les pins blancs ne sont pas donnés en fonction de mon climat. C'est une erreur de voir les choses comme ça. D'autant que mon climat change tous les ans. J'ai eu des mois de juillet avec 20° max et de la pluie tous les jours et cette année presque pas de pluie et des pointes à 36° qui font que si je laisse les pins blancs en plein soleil toute la journée, même en arrosant beaucoup, je risque d'avoir de très mauvaises surprises.
Le climat a bon dos dans la culture des bonsaï. La culture c'est comprendre comment son arbre fonctionne, dans quel milieu l'évolution a fait qu'il s'est adapté à des conditions particulières et comment s'en rapprocher le plus possible. C'est une adaptation permanente car le climat est tout le temps changeant, sa variabilité est très importante dans les régions de climat tempérés et un des intérêts du bonsaï est justement de s'accorder avec les cycles de la nature au lieu de faire comme on en a envie en croyant que ça va marcher. En fait, ça marche jamais.
Concernant les USA et le climat, Ryan Neil dit qu'en Floride cultiver des pins blancs c'est l'échec assuré.
Et il explique aussi que la fertilisation est vraiment l'aspect le moins important de leur culture ("Could be fertilized NEVER!"). C'est un plus, uniquement si le substrat est drainant et l'arrosage bien maîtrisé, et c'est déjà en soi un gros challenge, loin d'être accompli pour ce qui me concerne. J'en ai tué un cette année si tu veux tout savoir. Et le pire, c'est que je sais pourquoi. Le pins et encore plus les pins blancs, ça se passe dans les racines.
Les conseils que je donne viennent effectivement un peu de ma toute petite expérience mais surtout et avant tout des informations qui m'ont été apportées par des personnes qui les cultivent depuis longtemps ou qui ont eu accès à des infos de personnes qui connaissent très très bien cette espèce. Mais ce serait trop facile si il suffisait d'appliquer ces règles à la lettre. Il faut d'abord les comprendre, les intégrer et les adapter à notre environnement, environnement qui change tout le temps en plus.
Un exemple: Ryan Neil explique qu'il cultive ses pins à 5 aiguilles plein cagnard dans l'Oregon. Moi j'ai essayé dans les Alpes, ça n'a pas trop bien marché. J'ai compris que le soleil était très important pour les pins blancs, mais qu'il y avait un équilibre à trouver chez moi avec la chaleur (sur les aiguilles et dans le pot) donc j'ai dû trouver un compromis entre mi-ombre, cagnard et ombre totale, et ma disponibilité à arroser, etc... Plusieurs années pour comprendre ça, et avec les étés "exceptionnels" qui se répètent tous les ans, j'ai encore du travail pour arriver à un résultat optimal. J'ai l'impression de progresser, mais lentement, car tout est lent avec les pins blancs. Et on apprend tout le temps.
Ils sont certes capricieux, difficiles et imprévisibles mais: "Love it, embrace it and accept it as it is" C'est la clé pour les comprendre et bien s'en occuper, même si ça ne suffit pas.