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clem

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Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:33 »

voilà le post d'origine d'où la discussion sur le Léttré a commencé
http://www.espritsdegoshin.fr/forum-bon … ?id=157727

Luc a écrit:

Un Bunjin doit répondre à une foule de critères dont une conicité fine et régulière, un mouvement léger du tronc et une absence de shari (et jin Gallien). wink
Ensuite, il faudra laisser pousser la cime jusqu'à ce que ton arbre fasse entre 80 et 120 cm. Tu ne garderas que trois branches dont la cime. Ca va prendre du temps...

128acb a écrit:

tu es sur?
dans le france bonsai n°17 il s'y trouve un article sur le bunjin,un magnifique juniperus plein de jin et shari.http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/3031/IMGP0807.JPG

lanig a écrit:

C'est une sombre histoire d'école.
Pour M. Ando, il y a un certain (plutôt grand, semble-t-il) nombre de règles à respecter et pour le bunjin, ce sont celles que t'a énoncées Luc.
Pour d'autres, tout aussi japonais et compétents, comme Kawabe, il y a d'autres règles, voire nettement moins de règles.

Bon, on peut faire son choix suivant ses goûts mais évidemment, comme dans pas mal de domaines, si on prend le plus grand ensemble commun à toutes les chapelles, on se trouve dans un espace plutôt étriqué.

Enfin comme je ne serai pas faux-cul jusqu'au bout, j'invite tous ceux  intéressés par la légitimité historique des règles du bonsai  à regarder l'excellent fil initié par Toche (ancien modo ici d'ailleurs), sur IBC
http://ibonsaiclub.forumotion.com/t5214 … entenaries

Àma, ça vaut son pesant de cacahouètes...

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:37 »

Luc a écrit:

128acb, je suis certain de ce que je dis, mais effectivement je parle en tant qu'élève de Maître Andô... Comme ce n'est ni le plus médiatique, ni le plus prolixe et qu'il a le statut "d'amateur" au Japon, son avis reste mineur...
J'ai choisi ma voie sans contrainte, je ne l'imposerai à personne mais j'espère garder l'envie de transmettre ce que j'ai appris ce qui est difficile sur le net (Remarque, en club aussi...)

lanig a écrit:

Je précise, puisqu'effectivement par internet il est facile d'avoir des malentendus, que je ne considère pas du tout l'avis de M. Ando comme « mineur », mais comme un avis parmi d'autres au sein des avis d'experts.

Je pense que la dernière chose dont on a besoin c'est d'importer les querelles de chapelles et de personnes des Japonais.

128acb a écrit:

cher luc,
d'après ce que dit l'auteur maitre sudoo il est vrai que la quantité de jin et shari ne doit etre ce que l'on remarque dans ce style,mais l'extreme simplicité:peu de branche et des masses de verdure réduitent au minimum.donc cela rejoint un peu ce que tu dis sans etre aussi catégorique.son arbre a ete nommé meilleur bunjin en 99.

Luc a écrit:

J'entends.
Pour Maître Andô, le bunjin est l'évocation du vieil érudit qui vit en ascète en cherchant la lumière. Il n'a, selon lui, rien du guerrier fier de montrer ses cicatrices, il est fin car plus enclin à nourrir sa spiritualité que son corps, il est âgé et les marques de ce grand âge , c'est l'écorce qui les traduira. Le bunjin et l'aboutissement ultime des concepts japonais (peut être trop japonais, pour nous occidentaux) de wabi et de sabi. La recherche de la beauté dans la pauvreté, l'humilité, la simplicité. Pour reprendre Maître Andô, il dit que nous sommes très sensibles au "bling bling" wink

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:38 »

lanig a écrit:

Luc a écrit:

Le bunjin et l'aboutissement ultime des concepts japonais (peut être trop japonais, pour nous occidentaux) de wabi et de sabi. La recherche de la beauté dans la pauvreté, l'humilité, la simplicité. Pour reprendre Maître Andô, il dit que nous sommes très sensibles au "bling bling" wink
C'est un discours très typé « nihonjinron », que j'ai entendu maintes fois au Japon de la part de personnes un peu âgées, et me semble-t-il, de personnes ayant un intérêt supérieur à la moyenne pour la culture dite traditionnelle japonaise.
On peut essayer de l'analyser.
D'abord il considère les Occidentaux et les Japonais comme des ensembles homogènes à l'intérieur de chaque groupe et sans intersection entre les groupes. Curieux, je n'avais jamais remarqué que j'étais esthétiquement toujours plus proche d'un autre français que de certains de mes amis japonais wink. Par ailleurs, dire que le wabi et le sabi sont des concepts japonais inaccessibles à nous Occidentaux est faire l'impasse sur le fait qu'ils sont aussi étrangers à l'immense majorité des Japonais. Pendant le stage de la FFB avec Kawabe, un participant français a mis le wabi-sabi sur le tapis et Kawabe a répondu que pour lui, ce sont des concepts qui ne voulaient rien dire car il n'était pas né dans la société  qui permettait de savoir et de ressentir ce que ressentait Sen no Rikyû lorsqu'il les a formalisés. Là encore, il ne s'agît pas de dire que quelqu'un a tort et qu'un autre a raison, je suis tout à fait près à admettre qu'effectivement M. Ando ait eu une éducation qui lui a permis d'internaliser ces concepts (encore que je pense que l'explication est un tout petit peu plus complexe...) mais de pointer du doigt que la séparation Japonais/Occidentaux pour l'esthétique n'est pas en accord avec les faits.
Quant au bling-bling, il faut soit ne jamais avoir mis les pieds au Japon, soit être capable d'un auto-aveuglement bien poussé pour prétendre que c'est une spécificité occidentale. Et cela ne date pas d'hier, comme le montre le célèbre exemple de bling-bling ci-dessous (note aux modos : photo libre de droits provenant de Wikipedia).
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2109/mini_kinkakuji.jpg

clem a écrit:


salut Luc, sur des lettrés on peut voir des sharis, ou des jins qui ameliorent l'arbre.. et je trouve dommage (en tant que simple amateur qui lit les enseignements de ton Maitre) de couper telle ou telle partie par "dogme" ?

http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2032/6mortel.jpg

Luc a écrit:

Alain, j'ai repris les termes de Maître Andô, et j'aurais dû préciser qu'il ne parlait que de l'esthétique des arbres.
Effectivement, monsieur Andô est une personne âgée pour qui le wabi et le sabi ont une signification très forte. Il en parle avec beaucoup de poésie, si tant est que la traductrice soit à la hauteur (je remercie d'ailleurs Mayumi qui est extraordinaire).
J'essaie de pratiquer le Karaté Do dans l'esprit Bushi Do, peut être comprendras tu mieux mon état d'esprit concernant le bonsaï.
Ce qui m'intéresse, c'est le "Bonsaï Traditionnel Japonais", je l'apprends au contact de Maître Andô qui peut transmettre encore un certain temps ce qui reste au japon de cette voie du bonsaï. Je considère que j'ai beaucoup de chance de pouvoir vivre ces moments de stage à ses côtés et n'ai que la volonté de transmettre le "savoir" que j'ai reçu.
Il ne s'agit pas pour moi de débattre de la société japonaise et / ou de son évolution, sujet sur lequel tu es beaucoup mieux informé que moi, juste de rendre que qu'on m'a donné.
Il est bon d'avoir cette petite explication car désormais chacun pourra choisir les informations qu'il prend en fonction de la voie qu'il choisit. Ni plus, ni moins ... wink

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:40 »

polop a écrit:

Je pense que lanig a en partie raison, il faudrait qu'en occident on cesse de mettre les japonais, et en particulier les enseignants japonais en France sur un piédestal. Je ne crois pas qu'il y'ait d'un côté la Voie, unique, forcément codifiée et figée, et de l'autre, les barbares que nous sommes, qui seront à tout jamais incapable de comprendre la philosophie et l'art japonais. L'art du bonsaï est un art, et comme tel, parfaitement accessible à tous, occidentaux et orientaux (au sens large car le bonsaï n'est pas une exclusivité nippone). Et même au Japon, la vision du bonsaï est multiple. Soyons décomplexés, car bien des artistes européens produisent des oeuvres remarquables. Mais comme dabe, c'est forcément mieux ailleurs que chez nous et puisqu'il existe des règles, appliquons les avec rigueur et sévérité, quitte à faire dans le jusqu'auboutisme. Ce n'est pas uniquement propre à notre monde, pratiquant le kendo, la ligne des juges français pour les passages des Dan est plus dure et sévère que celle des sensei Japonais en visite en France.

En ce qui concerne le bunjin, il faut savoir qu'au départ il s'agit d'un courant artistique, le Nanga ou Bunjinga, s'inspirant à la fois d'une certaine école chinoise (Nanzonghua), de principes confucéens et de la volonté d'artistes japonais de lier à la fois peinture, calligraphie et poésie, en parfaits lettrés et intellectuels, en opposition à l'école Kano-ha notamment, en mettant à l'honneur des thèmes plus proches de la nature: paysages, plantes, montagnes, chutes d'eau. Ce courant a pris son essor avec Ike no Taiga et son compère Yosa Buson, à la fois poète créateur de haiku, calligraphe et peintre au XVIIIème siècle, à une époque où le Japon est refermé sur lui-même. Le système de représentation Nanga simplifie les traits, parfois à l'extrême, surtout lorsqu'il s'agit de kakejiku ou kakemono monochromes. Les arbres surtout sont parfois juste suggérés, dépouillés et épurés, tracés d'un seul coup de pinceau ou presque. Ce courant s'est poursuivi par la suite au XIXème, avec des artistes renommés comme Tani Buncho, Taki Katei, ou Tanomura Chikuden qui utiliseront dans leurs peintures des techniques occidentales, en s'affranchissant plus ou moins de l'influence chinoise.

Je reste convaincu que le style Bunjin ou Litterati dans le bonsaï est directement issu de ce courant pictural. De ce fait, il n'existe pas de règles, sinon celle d'épurer, de former un arbre tel un tracé à l'encre, comme une représentation sensible et émotionnelle.

Extraits de peintures sur rouleau:
Matsumura Goshun 1752-1811
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2159/mini_3Matsumura-Goshun-.jpg

Tanomura Chikuden 1777-1835
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2159/mini_4aTanomura-Chikuden.jpg

http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2159/mini_H917-08Tanomura-Chikuden.jpg

Tani Buncho 1763-1840
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2159/mini_DSCF0792Tani-Buncho.JPG

Anonyme XIXème siècle
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2159/mini_w98802b.jpg

Je crois qu'il faut faire comme les Japonais, regarder la nature et s'en inspirer, comme ils l'ont fait pendant des siècles, car c'est une source de création infinie.

Luc a écrit:

polop a écrit:

Je pense que lanig a en partie raison, il faudrait qu'en occident on cesse de mettre les japonais, et en particulier les enseignants japonais en France sur un piédestal. Je ne crois pas qu'il y'ait d'un côté la Voie, unique, forcément codifiée et figée, et de l'autre, les barbares que nous sommes, qui seront à tout jamais incapable de comprendre la philosophie et l'art japonais. L'art du bonsaï est un art, et comme tel, parfaitement accessible à tous, occidentaux et orientaux (au sens large car le bonsaï n'est pas une exclusivité nippone). Et même au Japon, la vision du bonsaï est multiple. Soyons décomplexés, car bien des artistes européens produisent des oeuvres remarquables. Mais comme dabe, c'est forcément mieux ailleurs que chez nous et puisqu'il existe des règles, appliquons les avec rigueur et sévérité, quitte à faire dans le jusqu'auboutisme. Ce n'est pas uniquement propre à notre monde, pratiquant le kendo, la ligne des juges français pour les passages des Dan est plus dure et sévère que celle des sensei Japonais en visite en France.
Tu as l'air d'avoir une bonne culture, tu écris bien, alors tu dois aussi savoir lire... Je t'invite donc à relire (pas à survoler) ce que j'ai écrit. Je n'ai rien dit de tout ça, j'explique mon choix et la vision du bonsaï de Maître Andô, ma conclusion étant que chacun puisse prendre son inspiration et les informations en fonction de la voie qu'il a choisie. Donc tu fais ce que tu veux et ça n'a aucune espèce d'importance pour moi, tout comme je fais ce que je veux, quoi que tu puisses penser de mes choix.

...Je reste convaincu que le style Bunjin ou Litterati dans le bonsaï est directement issu de ce courant pictural. De ce fait, il n'existe pas de règles, sinon celle d'épurer, de former un arbre tel un tracé à l'encre, comme une représentation sensible et émotionnelle...
Tes estampes sont magnifiques, néanmoins, à mes yeux il n'y a qu'un arbre qui représente un bunjin au sens où je l'entends, celui de la deuxième.
Si tu es convaincu de ce que tu dis tu admettras que Maître Andô puisse être convaincu de ce qu'il dit. Tu admettras aussi que je puisse ne pas être convaincu par ce que tu dis au nom de la fameuse liberté de penser qui semble coller à ton discours dans lequel il y a quelques idées qui me plaisent.

Je crois qu'il faut faire comme les Japonais, regarder la nature et s'en inspirer, comme ils l'ont fait pendant des siècles, car c'est une source de création infinie.
Ben voilà, on a au moins une pensée en commun.

lanig a écrit:

J'essaie de pratiquer le Karaté Do dans l'esprit Bushi Do, peut être comprendras tu mieux mon état d'esprit concernant le bonsaï.
Ce qui m'intéresse, c'est le "Bonsaï Traditionnel Japonais", je l'apprends au contact de Maître Andô qui peut transmettre encore un certain temps ce qui reste au japon de cette voie du bonsaï. Je considère que j'ai beaucoup de chance de pouvoir vivre ces moments de stage à ses côtés et n'ai que la volonté de transmettre le "savoir" que j'ai reçu.
J'aime bien la comparaison. C'est exactement la même situation, c'est à dire une construction doctrinale à base confucéenne au service d'un nationalisme au moins culturel.
Commençons par le karaté : c'est un art martial d'Okinawa, qui s'est écrit pendant lontemps ??,c'est à dire la « main chinoise » avant que, parce que le caractère « chinois » faisait tache, il soit remplacé par « vide » qui se prononce de la même manière. Le royaume d'Okinawa (Ryû-kyû) ayant eu jusqu'à la fin du 19 ème siècle une histoire séparée du Japon, parler de pratiquer le karaté dans l'esprit du bushido, c'est ipso facto choisir une impossibilité spatio-temporelle. Le bushido ensuite : comme je l'ai indiqué dans un autre message ici, les historiens ont montré que le bushido est une « tradition inventée » qui a été formalisée par des intellectuels néoconfucéens du 18 et 19 ème siècles et « popularisé » (au sens d'appliquée au peuple) à partir de la révolution de Meiji à des fins nationalistes avec une apogée pendant le régime fasciste des années trente et quarante.
Le bonsai traditionnel japonais. Le bonsai japonais moderne a commencé il y a un peu plus d'un siècle et tu as vus sur les cartes postées par Toche qu'il y a cent ans, c'était très différent de maintenant. Depuis, il n'a pas cessé d'évoluer, c'est très net quand Kinbon sort des photos du même arbre lors de Kokufu d'avant guerre et de Kokufu d'après : le style est en perpétuelle évolution, il n'y a pas d'époque durable où  le style se serait stabilisé et qui pourrait servir de référence à un objet qui serait « le bonsai traditionnel japonais ». Je suis convaincu que ce M. Ando vous enseigne, c'est un instantané dans l'évolution du bonsai qu'il confond, probablement parce que c'est à ce stade qu'il l'a découvert, avec une réalité durable. C'est un peu comme la célèbre coiffe des Bigoudènes que tout le monde connaît : cette tradition immémoriale n'a existé qu'entre les années 20 et 50.
Ce n'est pas une critique de l'enseignement de M. Ando, simplement, c'est une construction intellectuelle très influencée par le (néo)confucianisme, dont une des valeurs est justement l'idée qu'il y a un ordre des choses qu'il est bon de ne pas modifier.

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:43 »

Luc a écrit:

lanig a écrit:

...J'aime bien la comparaison. C'est exactement la même situation, c'est à dire une construction doctrinale à base confucéenne au service d'un nationalisme au moins culturel.
Commençons par le karaté : c'est un art martial d'Okinawa, qui s'est écrit pendant lontemps ??,c'est à dire la « main chinoise » avant que, parce que le caractère « chinois » faisait tache, il soit remplacé par « vide » qui se prononce de la même manière. Le royaume d'Okinawa (Ryû-kyû) ayant eu jusqu'à la fin du 19 ème siècle une histoire séparée du Japon, parler de pratiquer le karaté dans l'esprit du bushido, c'est ipso facto choisir une impossibilité spatio-temporelle.
Quelle relation spatio-temporelle peut il y avoir dans l'expression "dans l'esprit de" ?
Pratiquer quoi que ce soit dans l'esprit de quoi que ce soit d'autre ne signifie aucunement qu'il existe une relation entre les deux entités... Certains font bien des arbres dans l'esprit du lettré sans que ce soit du lettré... big_smile
Merci pour l'étymologie de karaté, je m'endormirai moins bête ce soir...

Le bushido ensuite : comme je l'ai indiqué dans un autre message ici, les historiens ont montré que le bushido est une « tradition inventée » qui a été formalisée par des intellectuels néoconfucéens du 18 et 19 ème siècles et « popularisé » (au sens d'appliquée au peuple) à partir de la révolution de Meiji à des fins nationalistes avec une apogée pendant le régime fasciste des années trente et quarante.
18 et 19 ème siècle ça me suffit comme ancienneté pour dire que ça appartient à la tradition... Question de références temporelles certainement personnelles wink
Par contre dans mon conservatisme forcené, il n'y a aucune pensée fasciste ou national-socialiste wink

Le bonsai traditionnel japonais. Le bonsai japonais moderne a commencé il y a un peu plus d'un siècle et tu as vus sur les cartes postées par Toche qu'il y a cent ans, c'était très différent de maintenant. Depuis, il n'a pas cessé d'évoluer, c'est très net quand Kinbon sort des photos du même arbre lors de Kokufu d'avant guerre et de Kokufu d'après : le style est en perpétuelle évolution, il n'y a pas d'époque durable où  le style se serait stabilisé et qui pourrait servir de référence à un objet qui serait « le bonsai traditionnel japonais ». Je suis convaincu que ce M. Ando vous enseigne, c'est un instantané dans l'évolution du bonsai qu'il confond, probablement parce que c'est à ce stade qu'il l'a découvert, avec une réalité durable. C'est un peu comme la célèbre coiffe des Bigoudènes que tout le monde connaît : cette tradition immémoriale n'a existé qu'entre les années 20 et 50.
Ce n'est pas une critique de l'enseignement de M. Ando, simplement, c'est une construction intellectuelle très influencée par le (néo)confucianisme, dont une des valeurs est justement l'idée qu'il y a un ordre des choses qu'il est bon de ne pas modifier.
C'est justement ce qui me convient et ce qui me plait (dans le bonsaï car les coiffes ne m'intéressent guère...) cqfd.
J'ajouterai quand même que ce n'est pas Me Andô qui parle de bonsaï traditionnel japonais, juste moi.
Tout est effectivement en perpétuelle évolution, mais il y a des traditions qui perdurent au delà des goûts et des styles, les quelques (très belles) cartes postées par Toche sur IBC sont elles réellement représentatives de l'art bonsaï traditionnel japonais ? Les arbres sur la table semblent plus aboutis que ceux qui sont présentés à côté des Geisha et qui me semblent être posés là plus pour leur aspect folklorique que pour leurs qualités artistiques.
Mais si tu le souhaites, pour être plus juste, on va dire que Maître Andô enseigne sa vision du bonsaï qu'il pratique depuis plus de 40 ans, disciple de Motosuke Hamano il a été instructeur de la fédération des écoles de bonsaï japonaises et je pense qu'il a des connaissances assez solides pour me servir de référence...
Pour information, le Bunjin est le style préféré de Maître Andô, je pense qu'il a du se documenter un peu avant de venir nous l'enseigner...

polop a écrit:

Luc a écrit:


Tu as l'air d'avoir une bonne culture, tu écris bien, alors tu dois aussi savoir lire... Je t'invite donc à relire (pas à survoler) ce que j'ai écrit. Je n'ai rien dit de tout ça, j'explique mon choix et la vision du bonsaï de Maître Andô, ma conclusion étant que chacun puisse prendre son inspiration et les informations en fonction de la voie qu'il a choisie. Donc tu fais ce que tu veux et ça n'a aucune espèce d'importance pour moi, tout comme je fais ce que je veux, quoi que tu puisses penser de mes choix.
Je suis parfaitement d'accord avec toi, excuse moi si je t'ai froissé, car ce n'était pas mon but. Mais parfois j'ai le sentiment que ceux qui suivent l'enseignement d'Ando, de Seigneri ou Liporace, et je reconnais que ce sont des enseignements de grande qualité, ont tendance à oublier qu'il existe d'autres voies, toutes aussi valables, y compris celles qui se font avec des formateurs d'horizons très différents. Et quand il y'a du maître par ci ou du maître par là, moi qui n'ait ni dieu ni maître dans le bonsaï, je suis un peu agacé. Probablement un sentiment de vieux c.. pourtant initié jeune aux philosophies orientales, c'est comme ça, j'y peux rien. La notion de Maître est pour moi trop précieuse pour être mise à toute les sauces et si tu pratiques un art martial, tu dois voir ce que je veux dire. Mais bon...chacun est libre de faire comme il veut smile

Luc a écrit:


Tes estampes sont magnifiques, néanmoins, à mes yeux il n'y a qu'un arbre qui représente un bunjin au sens où je l'entends, celui de la deuxième.
Si tu es convaincu de ce que tu dis tu admettras que Maître Andô puisse être convaincu de ce qu'il dit. Tu admettras aussi que je puisse ne pas être convaincu par ce que tu dis au nom de la fameuse liberté de penser qui semble coller à ton discours dans lequel il y a quelques idées qui me plaisent.
Ces peintures ne m'appartiennent pas hélas, à part une. Je suis d'accord encore un fois avec toi, la 2ème peinture est formidable car en quelques traits elle exprime tout l'arbre. Pourtant les autres représentations d'arbres sont à mon avis dignes d'intérêt. Et un artiste de cette époque ancienne pouvait représenter un arbre de différente manières, car son art n'était pas figé, même dans une société aussi codifiée que le Japon de l'ère Edo. Il me semble que c'est pareil pour le bonsaï. Il y'a des expressions différentes et des tentatives d'artistes pour faire évoluer cet art. Au Japon aussi le bonsaï évolue comme en occident. Quant aux fameuses règles, elles ne sont que du bon sens, fondées  sur une observation rigoureuse de la nature, avec une tentative pour codifier un système de représentation. Mais comme dans tout art, elles sont faites pour être transgressées, car la nature se fiche totalement des règles.

On pollue le post de gallien, mais c'est pas si mal de pouvoir échanger des idées

clem a écrit:

polop a écrit:


Au Japon aussi le bonsaï évolue comme en occident. Quant aux fameuses règles, elles ne sont que du bon sens, fondées  sur une observation rigoureuse de la nature, avec une tentative pour codifier un système de représentation. Mais comme dans tout art, elles sont faites pour être transgressées, car la nature se fiche totalement des règles.
bien d'accord, et probablement qu'Ando saura transgresser ses propres regles (par ex laisser un jin sur un lettré parceque ce jin apporte qq chose) devant un arbre particulier cool

Luc a écrit:

Il transgresse effectivement souvent des règles, mais s'il laisse un jin sur un lettré il ne parlera plus de bunjin, mais de bunjin fu... Je lui ai posé la question, et pour lui c'est très clair !!!

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:46 »

lanig a écrit:

Luc a écrit:



Quelle relation spatio-temporelle peut il y avoir dans l'expression "dans l'esprit de" ?
Pratiquer quoi que ce soit dans l'esprit de quoi que ce soit d'autre ne signifie aucunement qu'il existe une relation entre les deux entités
Disons que j'estimerai plus logique de pratiquer le karaté dans son esprit que dans un esprit qui lui est étranger, un peu comme si je parlais de pratiquer l'équitation dans l'esprit de la moto. Ya comme un hic.




18 et 19 ème siècle ça me suffit comme ancienneté pour dire que ça appartient à la tradition... Question de références temporelles certainement personnelles wink
J'ai du mal m'exprimer. Formaliser signifie qu'ils ont inventé un mythe sur ce que devait être le comportement du bushi sans que ce comportement ne correspond ni à celui effectivement observé historiquement, ni à leur propre comportement et éthique d'intellectuels pas guerrier. Il me semble quand même que la réalité de la pratique, c'est quand même une condition nécessaire pour que l'on puisse qualifier une idée de tradition et dans ce cas précis, elle n'est pas remplie jusqu'à la militarisation du Japon de l'ère Meiji et surtout des années 30.
Par contre dans mon conservatisme forcené, il n'y a aucune pensée fasciste ou national-socialiste wink
J'en suis bien persuadé, c'est bien pourquoi je doute que tu pratiques le karaté dans l'esprit  (inventé)du  bushido. Es-tu prêt à sacrifier ta vie, celles de tes proches et des autres, pour la fidélité à ton école  ? Préféreras-tu la mort plutôt qu'une humiliation ? Parce que l'éthique (heureusement inventée ) du bushido, c'est ça. Comme le lieutenant colonel japonais qui se fit servir un steak de foie d'un aviateur américain abattu, comme ces soldats qui firent se suicider des femmes et des enfants japonais, qui en tuèrent aussi eux-même sous prétexte que la mort valait mieux que la reddition.
les quelques (très belles) cartes postées par Toche sur IBC sont elles réellement représentatives de l'art bonsaï traditionnel japonais ? Les arbres sur la table semblent plus aboutis que ceux qui sont présentés à côté des Geisha et qui me semblent être posés là plus pour leur aspect folklorique que pour leurs qualités artistiques.
Effectivement c'est une question importante. On trouve ici et là des photos de bonsai japonais du début du 20ème. Ce sont toujours des styles très différents de ce que nous connaissons.

Mais si tu le souhaites, pour être plus juste, on va dire que Maître Andô enseigne sa vision du bonsaï qu'il pratique depuis plus de 40 ans, disciple de Motosuke Hamano il a été instructeur de la fédération des écoles de bonsaï japonaises et je pense qu'il a des connaissances assez solides pour me servir de référence...
Bien sûr. Là où ça cloche c'est quand certains cherchent à imposer les standards de leur école à ceux qui font d'autres choix. Je peux te mpier un exemple particulier si tu le souhaites.

Comme j'ai quand même exprimé des idées assez critiques sur l'aspect « tradi-confucéen » très présent semble-t-il chez M. Andô, je souhaite préciser quelques points. D'une part, vouloir connaître le Japon et sa culture, c'est forcément à un moment ou à un autre se confronter à cet élément fondamental : le (néo)confucianisme. C'est une influence considérable àma bien plus importante que l'influence du Zen qui plaît tant aux occidentaux. Se confronter, ça veut pas dire forcément aimer, mais c'est au moins supporter, sinon on pète un plomb. D'autre part, d'un point de vue artistique, en première approche, les règles ne favorisent pas la créativité, c'est sûr, mais dans un second temps, elles obligent l'artiste/artisan à se consacrer au travail d'arrière plan, aux détails etc. C'est quand même une caractéristique assez commune aux arts traditionnels japonais et en ce sens l'école Andô est probablement une approche intéressante même si personnellement, je trouve plus adapté de le découvrir par le biais de la calligraphie ou des fleurs.

Luc a écrit:

J'entends par esprit du Bushido le respect des sept règles que chacun devrait faire siennes il va de soit que je n'irai pas mettre fin à mes jours par fidélité à mon dojo.
Malgré tout, il y a des degrés d'implication dans cet esprit qui sont fonction de la situation. Hier, je suivais un stage de Pencâk Silat avec un instructeur du REI de Nîmes, pour eux (et je ferai bien mienne cette philosophie), ce qui est important ce n'est pas la vie ou la mort, mais la façon dont on vit et la façon dont on meurt. Il est clair qu'en tant que civil, je n'irai pas mettre mes jours et encore moins ceux de mes proches en danger. Ceci étant, mon comportement est complètement différent quand je me trouve dans une situation qui l'impose.
J'ai malheureusement déjà eu à intervenir alors qu'un gamin se faisait racketter devant 5 véhicules arrêtés à un feu tricolore. Personne n'est sorti de son véhicule, mais pour moi, faire cesser les coups qui pleuvaient sur le gamin était plus important à ce moment là que ma propre santé. Même si à postériori je me dis que j'aurais pu prendre un sale coup, je n'aurais pas pu me regarder en face si je n'étais pas descendu de ma voiture.

Pour ce qui est d'imposer des standards aux autres, ce n'est pas ma volonté, j'ai la chance de pouvoir me payer un enseignement de qualité, je considère comme un devoir de le partager. Je pense savoir à qui tu veux faire référence...

Quant au confucianisme, si doctrinaire qu'il soit, il ne me gène pas le moins du monde  wink

clem a écrit:

@Luc, le pin que j'ai posté page précedente est "dans l'esprit du lettré" pour Ando ? selon toi? à cause de la présence du jin ?

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:47 »

Luc a écrit:

clem a écrit:

pour l'arbre de Gallien, je pense qu'il faut laisser le jin (qu'on en fasse un lettré ou un moyogi), c'est un jin qui explique pourquoi l'arbre a pris cette forme.. peut-être le reduire en hauteur par contre

salut Luc, sur des lettrés on peut voir des sharis, ou des jins qui ameliorent l'arbre.. et je trouve dommage (en tant que simple amateur qui lit les enseignements de ton Maitre) de couper telle ou telle partie par "dogme" ?

http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2032/6mortel.jpg
Salut Clem, pardon de répondre tardivement, mais j'ai zappé ton message.
Ce pin que tu postes est un arbre superbe. Ce n'est pas un lettré au sens que donne Maître Andô pour plusieurs raisons: Les jins sont la première; le nombre de branches ensuite: un lettré n'en comporte que trois dont la cime; la rectitude du tronc qui n'a pas de mouvement: un lettré a un mouvement léger; sa position droite formelle (chokkan) alors qu'un lettré sera "han chuchin" c'est à dire très légèrement incliné (entre chokkan et shakan); enfin, sur un bunjin, aucune branche ne prend naissance en dessous de la moitié du tronc...
Cet arbre est dans l'esprit du lettré, son propriétaire d'ailleurs doit bien le savoir puisqu'il n'a pas choisi un pot nanban ou même nanban-fu.
Il n'est pas d'ailleurs écrit qu'il s'agisse d'un lettré. Je pense que sa légèreté et sa finesse nous l'ont fait catégoriser comme tel justement par méconnaissance de ces règles que nous n'aimons pas.
Cela n'enlève rien aux qualités de cet arbre wink !!! Il n'a pas besoin d'être transformé en lettré pour être beau, donc aucun dogme, rien à couper...

Luc a écrit:

Ceci dit, si tu voulais le transformer en lettré, il faudrait couper les jins et la branche du bas un peu dans cette idée, en retravaillant les plateaux et en donnant un peu de mouvement au tronc...http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2069/mini_08022011-1442_Sans-titre.jpg
Il est moins beau, donc aucun intérêt à vouloir le transformer en lettré, mais aucun intérêt non plus à l'appeler lettré tel qu'il est !

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:48 »

polop a écrit:

Luc a écrit:

J'entends par esprit du Bushido le respect des sept règles que chacun devrait faire siennes il va de soit que je n'irai pas mettre fin à mes jours par fidélité à mon dojo.
Malgré tout, il y a des degrés d'implication dans cet esprit qui sont fonction de la situation. Hier, je suivais un stage de Pencâk Silat avec un instructeur du REI de Nîmes, pour eux (et je ferai bien mienne cette philosophie), ce qui est important ce n'est pas la vie ou la mort, mais la façon dont on vit et la façon dont on meurt. Il est clair qu'en tant que civil, je n'irai pas mettre mes jours et encore moins ceux de mes proches en danger. Ceci étant, mon comportement est complètement différent quand je me trouve dans une situation qui l'impose.
Je comprends ce que tu veux dire et je crois avoir une vision identique à la tienne, en partageant peut-être ton état d'esprit. Mais et je comprends aussi la réaction de lanig, pour qui le Bushido fut à raison, fortement teinté d'un nationalisme exacerbé, de théories racistes et habillé d'une pseudo philosophie issue de la révision du shintoisme et de son instauration comme religion d'état. En tant que pratiquant de kendô, je me suis posé des questions et je m'en pose encore sur ce qui sous tend les arts martiaux.

Il est vrai que la notion de sacrifice ultime fut imposé à tout un peuple comme le seul devoir possible envers un pays et son empereur. Notion difficilement compréhensible dans notre monde contemporain actuel. Et pourtant ce sacrifice, le don de sa propre vie dans un idéal commun, fut aussi ce qui anima les poilus lorsqu'ils montaient à l'assaut des tranchées allemandes, convaincus de leur mort certaine, avec courage et abnégation. La différence entre poilus et kamikaze venant du fait qu'une  telle détermination au sacrifice touchait tout un peuple, femmes enfants et vieillards compris, éduqués et fanatisés par un système étatique dévoyé à la solde de généraux et d'industriels idéologues d'une supériorité raciale, comme le fût l'Allemagne nazie. Or les référence au bushido sont encore actuelles, au niveau des fédérations japonaises, comme dans les instances internationales. De quoi se poser de légitimes questions. Le kendô est axé sur la "Voie du Sabre", une sorte de code d'honneur qui mêle philosophie et idéaux de pureté et de loyauté. Ce code découle t'il de celui des samouraï si tant est qu'il est existé? J'en sais rien et j'en doute. En tout cas ce code ne représentait rien pour tout le peuple japonais médiéval. Le samouraï pouvait être un guerrier tout comme un lettré. L'un des exemples fut Maresuke Nogi, issu d'une vieille famille de samouraï, général d'armée qui fit capituler Port-Arthur en 1905 pendant la guerre russo-japonaise, fin lettré, poète et calligraphe et qui se suicida en apprenant la mort de l'empereur Meiji en 1912. Autre temps, autre mœurs qu'il est difficile de juger maintenant.

Je crois que les Japonais actuels demeurent pragmatiques et opportunistes pour tout ce qui touche spiritualité, religion et philosophie. Traversée par différents courants issus du bouddhisme et du confucianisme, son dernier avatar le shintoisme, et l'influence plus ou moins marquée de sectes zen ou taoistes, la culture japonaise s'est fabriquée des références et une symbolique que l'on retrouve à présent dans les idéaux fondant les arts martiaux.  Je pense que le Bushido est débarrassé à présent de relents romantiques, nationalistes et raciaux, sans doute plus proche désormais de principes zen. En tout cas les valeurs fondamentales: humilité, respect de l'adversaire, développement de soi, harmonie physique et mentale, sans qu'il y'ait rupture entre le corps et l'esprit comme dans la culture occidentale, sont des valeurs désormais universelles. Valeurs qu'on peut aussi appliquer au bonsaï, ce en quoi je te rejoins parfaitement. Je pense aussi qu'un des aspects des art martiaux, si on les voit au-delà de simples activités sportives, vise l'esthétique du geste. A tel point que toucher l'adversaire du bout du sabre (shinaï) ne représente rien, seules comptent l'intention, la droiture de l'action, la franchise, la présence physique et mentale, l'attitude morale, le courage, la beauté et l'énergie mises dans les gestes et transmises à l'adversaire. Ensemble de postures que l'on doit retrouver aussi dans l'exécution des Katas. Ça fout en l'air pas mal de certitudes occidentales et c'est ça qu'est passionnant. Car l'adversaire n'est pas en face de soi, l'adversaire c'est soi même. D'où le profond respect dû aux autres, car il ne peut y avoir de progression sans les autres (Kai Shin Kai), sans leur propre énergie transmise depuis le hara, ni sans un "éternel esprit de débutant" dixit Kenichi Yoshimura, 8ème Dan Kyôshi Kendô et hanshi.

Je pense que la pratique des arts martiaux rapproche beaucoup du bonsaï, car des valeurs sont communes: humilité, respect  de l'arbre, générosité, recherche d'une certaine perfection, et la certitude de ne jamais cesser d'apprendre. Je crois profondément que le bonsaï comme les arts martiaux ne peut se pratiquer sans les autres, sans un certain altruisme ni sans partage.

lanig a écrit:

Luc a écrit:


Il n'est pas d'ailleurs écrit qu'il s'agisse d'un lettré. Je pense que sa légèreté et sa finesse nous l'ont fait catégoriser comme tel justement par méconnaissance de ces règles que nous n'aimons pas.
(c'est moi qui met l'emphase)

Y'm'chauffe, y'm'chauffe, le Luc wink Ces règles, c'est comme dieu, c'est pas que je ne l'aime pas, c'est que je n'y crois pas, tudieu !
Ce qui me console quand même dur de dur, c'est de voir qu'au Japon, et au plus haut niveau, ya quand même pas mal de mécréants aussi tongue .
Un petit florilège (pour certains, j'ai déplacé un fragment de la légende pour que chacun puisse bien lire le bunjin (???.
D'apport un arbre primé à la taikanten. Un jin, plus de trois branches.
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2109/mini_bunjin3.jpg
Ensuite un feuillu (c'est dans les normes de M. Ando, un feuillu en bunjin ? ) trop de branches.
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2109/mini_bunjin2.jpg
Ensuite, en  2004, Kinbon a fait une petite série d'articles sur le bunjingi et j'insiste, pas sur le bunji-fû, sur le bunjingi avec des exemple de formation. Les deux photos suivantes sont tirées de cet article. Dans les deux cas, on constatera qu'il y a trop de branches et que des jins discrets mais des jins néanmoins sont présents.
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2109/mini_bunjin4.jpg
http://www.espritsdegoshin.fr/components/com_agora/img/members/2109/mini_bunjin.jpg
Dans cet article il y avait un passage  intitulé "  l'abord du  bunjingi : 100 personnes, 100 manières"  qui ne donne aucun des critères imposés par M Ando sauf un : le bunjin doit exprimer le sentiment du temps. Il précise ensuite que si ce sentiment est exprimé alors une grande liberté est accordée.

Je pense que c'est quand même clair sur l'opinion la plus couramment admise sur la question au Japon, non ?
(sans compter que je ne vois _vraiment_ pas l'intérêt de faire la distinction entre bunjin et bunjin-fû. Une fois qu'on a sodomisé des diptères en faisant remarquer que tel arbre magnifique n'est pas un bunjin mais un bunjin-fû, on en fait quoi de cette brillante distinction ?)

Quant aux arts martiaux, pour avoir fait de la boxe française en France et du karaté au Japon, je ne reconnais absolument pas mon expérience dans ce qu'écrit Polop dans la deuxième partie de son message. Mon expérience à moi, c'est que c'est sur le fond exactement la même chose mais que l'habillage, le packaging sont différents. Il me semble que s'appuyer sur le discours de maîtres pour connaître la réalité d'une discipline, c'est comme écouter le discours d'un homme politique ou d'un religieux pour connaître ce que sont leurs doctrines : ça ne donne en fait des informations que sur l'image, l'impression qu'ils veulent projeter et pas grand chose sur la réalité sociologique, idéologique etc. Si on veut vraiment savoir ce que sont les arts martiaux japonais, je pense qu'il est utile de s'intéresser au plus fréquent d'entre eux au Japon[, c'est à dire le judoÉdit : erreur sur le nombre, voir la rectification de Polop dans le message suivant. Et là, on voit bien le fossé entre le discours et la réalité : l'important, c'est quand même que ce soit l'autre qui perde. wink

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:50 »

polop a écrit:

Chauffe Marcel!....Chauffe!!! wink Merci lanig pour ces photos. Pour moi la cause est déjà entendue question bunjin. Par contre tu as le droit de ne pas être d'accord sur mon ressenti des arts martiaux, et c'est très bien ainsi. Je vais finir par croire que le kendô, environ 3 millions de licenciés au Japon, de loin le plus répandu bien avant le judo, contrairement à la France, serait différent.
Du moins, c'est comme en bonsaï, chacun y est libre de choisir sa voie. N'y voir qu'un sport, auquel cas il faut battre l'adversaire à tout prix sans crier youpiiiii!!!!, comme un judoka français au championnat du monde, car c'est l'exclusion immédiate. Ou y voir un moyen de s'accomplir, de se réaliser, de gagner en assurance et en estime de soi et des autres. Là au moins plus la peine de prendre un coach personnel ou de s'abonner à Psychologie magazine. C'est bon pour le moral, même en prenant une raclée avec un petit bout de femme 4ème Dan, épaisse comme une escalope milanaise. Moi j'aime bien ça, un des rares arts martiaux praticable après 70 ans (je pense aussi à ma retraite) Et pas de discours des maîtres japonais, généralement peu bavards, se contentant de montrer et de faire répéter un mouvement jusqu'au bord de l'asphyxie. Le discours c'est les occidentaux (fichus bavards)lol

lanig a écrit:

Effectivement, je me suis gouré sur l'importance respective du kendo et du judo au Japon, apparemment 1 500 000 pour le kendo et seulement 200 000 pour le judo, moitié moins qu'en France.

Luc a écrit:

Tout le monde peut se tromper... Chauffe Alain, chauffe !!! wink
Si je prends le soin de préciser selon Maître Andô à chaque phrase que je fais, je mets Polop en émoi... Si je ne cite pas mes sources, tu me saute au cou parce que j'érige ce que je dis en règle...
Alors une bonne fois pour toutes, je rappelle que ce que je dis n'est que la restitution de ce que Maître Andô m'a appris. Forcément il s'agit de sa vision du bonsaï, de sa sensibilité, maintenant prend celui qui veut... Même les grands artistes choisissent un maître, seuls quelques génies créent leur style, comme William Turner par exemple ou Dali. J'ai choisi monsieur Andô comme référence et ai adopté son vocabulaire et ses règles librement parce que j'ai trouvé dans sa sensibilité et dans sa vision du bonsaï quelque chose qui me touchait.
Complément d'information: Maître Andô admet que l'on fasse un bunjin avec un feuillu, à condition qu'il respecte les règles qu'il considère comme indispensables à l'obtention de l'AOC Bunjin...
Pour lui, seul le mume peut respecter toutes ces règles simultanément... (donc l'amandier chez nous wink )

(sans compter que je ne vois _vraiment_ pas l'intérêt de faire la distinction entre bunjin et bunjin-fû. Une fois qu'on a sodomisé des diptères en faisant remarquer que tel arbre magnifique n'est pas un bunjin mais un bunjin-fû, on en fait quoi de cette brillante distinction ?)
Alors tout simplement, et pour en finir avec le génocide de ces fameux diptères, ça apporte quoi d'appeler cet arbre bunjin ? Le sentiment en prononçant ce mot que l'on a enfin atteint le degré ultime dans son ascension sur la voie du bonsaï ?
Monsieur Andô voudrait nous transmettre ce qui l'a fait vibrer dans sa vie de bonsailliste, le wabi et le sabi dans le bonsaï. Le style du lettré est le parfait support pour exprimer ces concepts apparemment d'un autre âge d'où son engagement dans ce style et son exigence à ce sujet.
Je vais continuer à faire ce que j'ai appris, chacun est libre de ses choix wink.

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:51 »

Louis-VB a écrit:

Cette discussion est très intéressante. Je la découvre en grande partie ce soir.

Pas mal de réflexions me sont venues à l'esprit en lisant vos propos.

D'abord je ne peux que confirmer totalement les propos de Lanig concernant le soi-disant "bonsai traditionnel japonais".
C'est bien simple, il n'existe pas. Il y a de nombreux courants, dont certains sont presque contradictoires entre eux. Discutez avec un des grands propriétaire d'une pépinière d'Omiya, un cultivateur de pins de Shikoku, et des bonsaika de Fukushima (la famille Abe pour ne citer que les plus connus), et vous comprendrez vite que le monde du bonsai japonais est très, très divers. Et pas que le monde du bonsai d'ailleurs (les japonais sont très loins de l'image d'un peuple homogène, poli et obéissant, qui se passionne pour la cérémonie du thé et se nourrit exclusivement de poisson cru. Je plaisante, mais parfois on est pas bien loin de ce cliché délirant).
Même à Omiya, si vous comparez le jardin de Murata  et celui de Takeyama à quelques mètres de là, vous aurez deux visions bien différentes de cet art. Car encore plus qu'ailleurs , au Japon, le bonsai est un art à part entière, donc il est parcouru par divers courants et connait des modes plus ou moins durables et changeantes.
Mais ce n'est pas qu'un art. C'est aussi un moyen de gagner de l'argent (et pas toujours beaucoup) pour certains, dont les préoccupations artistiques ne passent pas forcément au premier plan...

Mr Ando, malgré tout le respect que je lui doit, représente une vision du bonsai, bien particulière, qui peut étonner pas mal de japonais tout aussi respectables. Je l'ai constaté sur place concernant sa vision du style bunjin.

Ce style est, comme tous les autres styles, issu d'une observation de la nature, même si sa charge symbolique le rend bien particulier. Dans la nature, au Japon comme ailleurs, les arbres qui servent de modèles aux lettrés, se sont élevés vers la lumière en surmontant la masse des autres arbres, dans un élan gracieux et aérien. On peut observer souvent sur ces arbres des jin voire des shari (mais plus rarement) qui ne font à mon sens qu'accentuer cette belle symbolique.
On peut donc en conclure que le bonsai naturel est en contradiction avec la vision de Mr Ando.

Je trouve dommage de limiter le champ des possibilités en adoptant une vision esthétique plutôt restrictive alors que notre niveau en Europe reste relativement bas, au moins techniquement.
Luc, tu es tout à fait libre de tes choix, mais sache aussi que les conceptions de Mr Ando sont le fruit d'une longue réflexion personnelle, pas forcément judicieuse à suivre à la lettre pour les débutants que nous sommes, et je ne prends pas beaucoup de risque en affirmant qu'elle n'est pas forcément la plus répandue au Japon...

Le pin blanc bunjin montré en photo dans les post précédents était présenté à la kokufu cette année. Je ne crois pas qu'il ait remporté de prix, mais rien que sa présence dans cette exposition qui se perçoit souvent comme représentative du classicisme du moment est un évènement intéressant. L'arbre a fait impression. Pour la petite histoire, il est l'oeuvre d'un certain Takatoshi Asako, créateur d'un autre pin blanc qui a fait parler de lui dans une autre section du forum. C'est un arbre extraordinaire.
Quand je l'ai vu, je me suis dit que ça devait être ça le wabi  sabi...

Luc a écrit:

J'ai l'air borné comme ça, mais j'entends et prends note de tout ce qui est dit. Le style bunjin a donc des variantes.
En karaté j'ai choisi le style shotokan, en bonsaï je choisis donc la voie de Maître Andô par goût personnel. J'aurai maintenant en plus conscience du fait que j'adopte une vision esthétique restrictive... big_smile

clem a écrit:

voilà les premières lignes de l'article de Tomio Yamada consacré au style bunjin (bonsai today 25)

"Aujourd'hui il est admis qu'il y a très peu de bonsai dans le style lettré et que le gout pour ce style a été corrompu par une raréfaction de ses variantes conceptuelles. Mais si vous demandez simplement ce qu'est un bonsai lettré, les réponses seront certainement très differentes"

c'est vrai Luc que ta vision est differente de celle d'Abe Kurakichi (par exemple) car lui trouvait indispensable de laisser un jin qui explique l'histoire de l'arbre (par ex un ten jin, ou un jin qui reste pour expliquer un brusque changement de courbe).. je préfère cette vision car la nature regorge d'exemples de ce type, même chez moi où il fait humide et pleut beaucoup, les vieux pins élncés ont des jins...

clem

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Re: Le Léttré selon Maître Ando

« Réponse : 23-02-2011 12:53 »

Luc a écrit:

Je comprends ton point de vue, celui de Maître Andô est plus métaphorique ou allégorique et figure plutôt l'érudit qui cherche la lumière en faisant fi de la nourriture du corps au profit de celle de l'esprit.
D'où l'arbre fin (maigre), très peu marqué (on conçoit mal un érudit plein de cicatrices...), etc.
Je ne dis pas qu'un arbre avec un jin n'est pas beau, je sais quand même (malgré mes airs bourru big_smile) apprécier aussi ces arbres et j'aime aussi quand ils ont une histoire à raconter. Simplement, pour Maître Andô, le bunjin est une représentation de l'homme lettré plus qu'un style apprécié par l'homme lettré (petite nuance qui explique les différences de point de vue.)
Enfin, pour les gens qui lisent, je préfèrerais que tu écrives "la vision de Maître Andô est différente de celle d'Abe Kurakichi..." car je n'ai pas la prétention de mériter la comparaison d'une part et il faut quand même que les lecteurs sachent que ce sont des visions différentes de deux grands Maîtres japonais d'autre part... wink

lanig a écrit:

le bunjin est une représentation de l'homme lettré plus qu'un style apprécié par l'homme lettré (petite nuance qui explique les différences de point de vue.)
Àma, c'est plus qu'une nuance.
C'est se réclamer ouvertement d'une tendance au symbolisme plus qu'à la simple évocation en pot d'un arbre réel. Personnellement, c'est pas mon truc mais ce qui est marrant, c'est M. Kawabe qui récuse le symbolisme pour le bunjin s'en est explicitement réclamé pour ses bonsai Fûjin et Raijin qui font référence aux dieux du même nom de  la mythologie shinto.

Comme quoi rien n'est simple wink

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